La constitution des listes pour les élections municipales est une alchimie complexe dont chacun qui a déjà été à la manœuvre sait qu’elle n’est aboutie qu’au dernier moment, celui fatidique du dépôt de la liste en Préfecture.
Si certaines situations particulières seront toujours sujettes à interrogations, notamment au regard des règles de non-cumuls de mandats ou de l’exercice de certaines professions, certaines règles simples peuvent être anticipées et vérifiées pour éviter des problèmes et des casse-têtes de dernières minutes.
Il en va ainsi en premier lieu de l’éligibilité au Conseil Municipal soit en qualité d’électeur de la Commune, soit de citoyens inscrits au rôle des contributions directes de la Commune et l’article L.228 du Code Electoral dispose ainsi que :
« (…) Sont éligibles au conseil municipal tous les électeurs de la commune et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu’ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l’année de l’élection. (…) »
Ainsi, le code Electoral pose deux cas de figure permettant d’être éligible au Conseil Municipal :
- soit être électeur de la Commune ;
- soit être inscrit au rôle des contributions directes ou justifiant devoir y être au 1er janvier de l’année de l’élection ;
S’agissant du premier cas de figure tiré de l’éligibilité en qualité d’électeur de la Commune, l’article L.11 du même Code dans sa version qui est applicable depuis le 1er janvier 2019, précise les règles pour être inscrit sur les listes électorales et dispose ainsi que :
« I.- Sont inscrits sur la liste électorale de la commune, sur leur demande :
1° Tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins et leurs enfants de moins de 26 ans ;
2° Ceux qui figurent pour la deuxième fois sans interruption, l’année de la demande d’inscription, au rôle d’une des contributions directes communales et, s’ils ne résident pas dans la commune, ont déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux. Tout électeur ou toute électrice peut être inscrit sur la même liste que son conjoint au titre de la présente disposition ;
2° bis Ceux qui, sans figurer au rôle d’une des contributions directes communales, ont, pour la deuxième fois sans interruption l’année de la demande d’inscription, la qualité de gérant ou d’associé majoritaire ou unique d’une société figurant au rôle, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat ;
3° Ceux qui sont assujettis à une résidence obligatoire dans la commune en qualité de fonctionnaires.
II.-Sous réserve qu’elles répondent aux autres conditions exigées par la loi, sont inscrites d’office sur la liste électorale de la commune de leur domicile réel, en vue de participer à un scrutin :
1° Sans préjudice du 3° de l’article L. 30, les personnes qui ont atteint l’âge prévu par la loi pour être électeur à la date de ce scrutin ou, lorsque le mode de scrutin permet un second tour, à la date à laquelle ce second tour a vocation à être organisé ;
2° Sans préjudice du 4° du même article L. 30, les personnes qui viennent d’acquérir la nationalité française. »
Ainsi, peuvent être inscrits sur les listes électorales, et sont donc éligibles :
1° Ceux qui ont leur domicile réel dans la commune
Sur ce point, il a pu être rappelé la définition d’un domicile réel en comparaison avec la notion factuelle de résidence dans une réponse du Ministère de l’Intérieur publiée dans le JO Sénat du 23/01/2014 – page 229 :
« En application de l’article L. 11 du code électoral, il convient pour être inscrit sur la liste électorale d’une commune de justifier d’une attache suffisante avec celle-ci. Celle-ci peut résulter soit d’un domicile ou d’une résidence depuis six mois dans la commune, soit de la qualité de contribuable communal depuis au moins cinq ans. Si dans la plupart des cas domicile et résidence se confondent, il n’en est pas toujours ainsi. Le domicile est entendu par la jurisprudence comme le domicile réel, c’est-à-dire le lieu du principal établissement au sens de l’article 102 du code civil (Cass.2ème civile, 26 avril 1990). La notion de domicile est indépendante de la notion d’habitation. L’inscription au titre du domicile n’est à cet égard soumise à aucune condition de durée. Contrairement à la notion de domicile qui est le lieu où l’on se situe en droit, la notion de résidence correspond à une situation de fait. Elle résulte du fait d’habiter, au moment de la demande, de manière effective et continue dans la commune. À cet égard, l’occupation d’une résidence secondaire n’est pas considérée comme une résidence réelle et continue dès lors qu’elle n’est dédiée qu’aux temps de loisirs, tels notamment que les fins de semaine ou les vacances (Cass. 2e civ. , 11 mars 2010, n° 10-60150.10-60162). Un jeune majeur, faute de déclaration d’un domicile propre, peut garder le domicile de sa minorité, même s’il réside dans une autre commune où il fait ses études, dès lors qu’il n’exerce aucune activité lucrative et ne peut se suffire à lui-même (Cass. 2e civ, 16 décembre 1982, n° 81-10452). »
On relèvera à cet égard qu’il est de jurisprudence constante qu’il n’appartient pas au juge de l’élection, en l’absence de manœuvre de nature à fausser les résultats du scrutin, d’apprécier si un électeur inscrit sur les listes électorales remplit effectivement la condition de domicile exigée par l’article L. 11 du code électoral (Dans ce sens CE, 11 mai 2015, n°385615). En revanche, rappelons qu’il existe un recours spécifique devant le Tribunal d’Instance ouvert à tout électeur de la commune et ouvert dans les sept jours suivants la publication de la liste électorale pour contester l’inscription faite à tort d’un électeur sur les listes (art. 20 du Code Electoral).
2° Ceux qui habitent dans la commune depuis six mois au moins
C’est dans ce cas de figure une appréciation factuelle de l’habitation de manière, actuelle, effective et continue sur le territoire de la Commune, selon une caractérisation très récemment rappelée par le Ministre de l’Intérieur (Réponse du Ministère de l’intérieur publiée dans le JO Sénat du 22/11/2018 – page 5911) :
« (…) Si l’attache communale prévue à l’article L. 11 du code électoral peut être établie au titre de la qualité de contribuable (article L. 11, I, 2°), le critère le plus usuel pour pouvoir s’inscrire sur une liste électorale est celui du rattachement du domicile prévu au 1° de l’article L. 11, I : « Sont inscrits sur la liste électorale […] tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins ». Ainsi, un propriétaire occupant, au même titre qu’un locataire, peut prouver la réalité de son domicile ou d’une résidence continue de plus de six mois dans la commune par la production de différents justificatifs que tout électeur peut facilement se procurer : une facture de moins de trois mois établie à son nom par un ou plusieurs organismes de distribution d’eau, de gaz, d’électricité ou de téléphone fixe, une attestation d’assurance habitation sous réserve que l’adresse indiquée soit située dans la commune, un bulletin de salaire, ou un titre de pension de moins de trois mois adressé au domicile situé dans la commune.»
3° Les enfants de moins de 26 ans de ceux qui habitent dans la commune depuis six mois au moins
4° Ceux qui figurent pour la deuxième fois sans interruption (au lieu de 5 fois auparavant), l’année de la demande d’inscription, au rôle d’une des contributions directes communales :
– dans ce cas de figure et s’ils ne résident pas dans la commune, ils doivent avoir déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux ;
– dans ce cas de figure, les conjoints peut être inscrit sur la même liste électorale ;
Il s’agit d’une inscription au rôle des taxes foncières, de la taxe d’habitation et de la taxe foncière des entreprises, comme cela a pu être explicité dans la réponse ministérielle très récente susvisée (Réponse du Ministère de l’intérieur publiée dans le JO Sénat du 22/11/2018 – page 5911) :
« Le nouvel article L. 11, I, 2° du code électoral, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2019, dispose que « sont inscrits sur la liste électorale de la commune, sur leur demande : (…) 2° Ceux qui figurent pour la deuxième fois sans interruption, l’année de la demande d’inscription, au rôle d’une des contributions directes communales et, s’ils ne résident pas dans la commune, ont déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux ». Les contributions auxquelles il est fait référence sont la taxe d’habitation, les taxes foncières (sur les propriétés bâties et non bâties) et la cotisation foncière des entreprises (CFE). »
On relèvera que par principe les garages qui ne sont pas situés à proximité immédiate d’un local à usage d’habitation ne sont pas des dépendances d’une habitation et ne sont pas soumis à la taxe d’habitation : ils ne permettent ainsi pas de justifier d’une inscription au rôle des contributions directes communales.
5° Ceux qui ne figurent pas au rôle d’une des contributions directes communales mais qui ont, pour la deuxième fois sans interruption l’année de la demande d’inscription, la qualité de gérant ou d’associé majoritaire ou unique d’une société figurant au rôle (SCI notamment) ;
Ainsi, et cela est une nouveauté législative (contraire à la jurisprudence applicable jusque-là), peuvent être électeurs également de la Commune, et inscrits à ce titre sur les listes électorales les gérants ou associés majoritaires de SCI par exemple.
6° Ceux qui sont assujettis à une résidence obligatoire dans la commune en qualité de fonctionnaires ;
7° D’office sur les listes électorales de la commune où ils ont leur domicile réel :
– ceux qui acquièrent la majorité à la date de ce scrutin ou, s’il y a un second tour, à la date de ce second tour
– ceux qui acquièrent la nationalité française
S’agissant d’une éligibilité du fait de l’inscription au rôle des contributions directes ou de la justification du fait que l’intéressé devrait y être au 1er janvier de l’année de l’élection, il s’agit des mêmes conditions que celles applicables pour être inscrits sur les listes électorales mais sans la même condition de délai de deux années : dans ce cas de figure, le candidat est éligible sans pour autant être électeur de la Commune.
Si ces règles peuvent paraitre simples et limpides, elles sont toutefois à chaque scrutin l’objet d’âpres contrôles, vérifications, ou parfois même enquêtes des opposants… Ceux qui s’aventurent à jouer avec la réalité notamment de leur résidence, en oubliant que les contrats d’eaux et d’électricité sont des minimums utiles ou en faisant croire qu’ils habiteraient dans ce qui n’est en réalité qu’un garage inhabitable le regrettent généralement.
En effet, parmi les nombreuses sanctions pénales que prévoit le code électoral, son l’article L88 instaure et réprime le délit d’inscription frauduleuse sur les listes électorales qui est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende :
« Ceux qui, à l’aide de déclarations frauduleuses ou de faux certificats, se seront fait inscrire ou auront tenté de se faire inscrire indûment sur une liste électorale, ceux qui, à l’aide des mêmes moyens, auront fait inscrire ou rayer, tenté de faire inscrire ou rayer indûment un citoyen, et les complices de ces délits, seront passibles d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 euros. »
Enfin, et comme la situation se pose finalement assez souvent puisque, on rappellera qu’aux termes de l’article L.227 du Code Electoral, les conseillers municipaux sont élus pour une durée de 6 ans (sauf s’ils sont appelés à « monter » au cours du mandat), même lorsqu’ils déménagent en cours de mandat :
« Les conseillers municipaux sont élus pour six ans. Lors même qu’ils ont été élus dans l’intervalle, ils sont renouvelés intégralement au mois de mars à une date fixée au moins trois mois auparavant par décret pris en Conseil des ministres. Ce décret convoque en outre les électeurs. »
Il est parfaitement constant que le respect de ces règles d’éligibilité est apprécié à la date du premier tour du scrutin (CE, 11 mars 2009, Elections Municipale d’Huez, n°318249) et ne l’est plus pendant toute la durée du mandat. (Sauf s’agissant des élus qui « montent » en cours de mandat dont l’éligibilité est appréciée alors à la fois lors de l’élection générale et encore lors de leur « montée » au conseil municipal).
Ainsi, un conseiller municipal qui déménage en cours de mandat ou qui est radié des listes électorales de la commune parce qu’il s’est inscrit sur la liste électorale d’une autre commune peut rester membre du conseil municipal et continuer à exercer ses fonctions jusqu’à la fin de son mandat. Il en va de même pour un adjoint au Maire.
Ainsi, si un élu perd en cours de mandat les qualités qui lui avaient permis d’être élu au conseil municipal, à savoir qu’il n’habite plus la commune ou n’est plus inscrit au rôle des contributions communales, il peut néanmoins continuer à siéger au Conseil Municipal jusqu’à la fin du mandat.
En revanche, s’il souhaite y être éligible aux élections suivantes, il devra à tout le moins être inscrit au rôle des contributions directes communale au 1er janvier 2020, par exemple en prenant à bail un logement à usage d’habitation ou en acquérant un bien bâti ou non bâti avant cette date ou encore en exerçant sur la commune une activité soumise à la fiscalité locale professionnelle.
Benjamin VINCENS-BOUGUEREAU et Jocelyn AUBERT
Avocats Associés