Au cours des dernières années, un nombre croissant de communes tentent de limiter l’accès aux aides sociales facultatives, établies par les règlements de leurs Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS), pour les mineurs ayant commis des infractions et leur famille.

Cette politique a suscité des débats, certains exprimant des préoccupations quant à leur conformité avec le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et le principe d’individualisation des peines, notamment.

C’est ainsi que progressivement, la jurisprudence a été amenée à se prononcer sur la question, estimant que si le principe de cette suspension des aides facultative n’est pas interdit en soi, il est seulement autorisé sous réserve d’un encadrement strict.

De cette manière, le président du CCAS peut se voir confier par délibération le pouvoir de suspendre les aides sociales facultatives aux mineurs coupables d’infractions pénales et à leur famille à condition :

  • que la délibération le prévoyant liste de manière suffisamment précise les infractions ou catégories d’infractions qui pourront donner lieu à la suspension des aides,
  • que la délibération prévoie la durée de suspension encourue,
  • qu’une procédure préalable contradictoire soit mise en place.

En effet, par une décision du 24 juin 2022, le Conseil d’État a suspendu l’exécution de la délibération d’un CCAS autorisant son président à supprimer ou suspendre le versement d’aides sociales facultatives aux personnes (ainsi qu’à leur famille directe) ayant fait l’objet d’un rappel à l’ordre, ayant refusé l’accompagnement parental proposé par le conseil des droits et devoirs des familles au titre de l’article 141-2 du Code de l’Action Sociale et des Familles, ayant fait l’objet d’un jugement définitif suite à une infraction troublant l’ordre public ou encore ayant causé un préjudice à la commune.

Le Conseil d’État a alors jugé que :

« Le moyen tiré de ce que, en raison de ses imprécisions quant aux circonstances pouvant conduire à la suspension des aides sociales facultatives et de l’absence de tout encadrement de la faculté ainsi reconnue au président du centre communal d’action sociale, la délibération contestée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation est, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité. » (CE, du 24 juin 2022, n°454799).

En d’autres termes, le Conseil d’État n’interdit pas par principe de donner pouvoir au maire (ou président du CCAS, selon) pour supprimer ou suspendre le versement des aides facultatives en cas d’infraction pénale, mais il exige que cette faculté soit encadrée de manière précise par la délibération la prévoyant

L’encadrement de cette faculté suppose une délibération prévoyant de manière précise les infractions justifiant la suspension des aides, ainsi que la durée de cette suspension :

« Les délibérations en cause se bornent à renvoyer à l’existence d’un rappel à l’ordre, lequel peut en vertu de l’article L. 132-7 du code de la sécurité intérieure, être mis en œuvre lorsque des faits sont susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques, et à des condamnations pour des infractions troublant l’ordre public, qui recouvrent un champ très large, sans préciser davantage les faits ou infractions concernés, ni la durée de la suspension que le maire est susceptible de prononcer. »

(Tribunal administratif, Versailles, 1re chambre, 9 mars 2023 – n° 2102985).

De plus, conformément à une décision antérieure du Conseil d’État, la suspension des aides sociales facultatives doit se faire sous condition d’un contradictoire préalable. (CE, 4 octobre 2021, n° 438695).

Jocelyn AUBERT, Avocat Associé

Annissa LOUDIN, Juriste