Par une décision rendue le 29 mai 2024, le Conseil d’Etat est venu rappeler certaines règles relatives au droit de préemption urbain (CE, 29 mai 2024, n° 489337).

Dans cette affaire, les propriétaires d’un immeuble avaient consenti une promesse de vente à de futurs acquéreurs. Cette promesse a ensuite donné lieu à une déclaration d’intention d’aliéner (ci-après « DIA »). Les bénéficiaires initiaux ayant toutefois renoncé à cette acquisition, une nouvelle promesse portant sur le même immeuble, au même prix et aux mêmes conditions a été consentie à une société civile immobilière (ci-après « SCI »).

Ce bien a fait l’objet d’une décision de préemption par le Maire de la Commune.

Saisi par la SCI évincée, le Tribunal Administratif de Versailles a estimé que la SCI n’avait pas d’intérêt à agir contre la décision de préemption dès lors que son nom n’était pas celui mentionné par la DIA reçue par la Commune.

Ce raisonnement est censuré par le Conseil d’Etat qui précise ici qu’en application des dispositions de l’article L. 213-2 du Code de l’urbanisme la mention de la personne ayant l’intention d’acquérir le bien n’est pas au nombre de celles devant obligatoirement figurer dans la DIA.

Dans ces conditions, les promettants n’avaient pas à renouveler la DIA réalisée lors de la première promesse dès lors que la seconde portait sur le même bien au même prix et aux mêmes conditions, en laissant inchangées les mentions obligatoires.

L’acquéreur évincé a ainsi un intérêt à agir contre la décision de préemption « sans qu’ait d’incidence à cet égard la circonstance qu’il ne soit pas celui dont le nom a été mentionné par la déclaration d’intention d’aliéner ».

 Cette décision est également l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler que, lorsque le délai pour préempter est suspendu par la réception par le propriétaire de la demande de visite du bien ou de communication de documents pour apprécier la consistance et l’état de l’immeuble formulée par la Commune, le délai pour préempter recommence à courir :

  • Soit à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption ;
  • Soit à compter du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption ;
  • Soit du plus tardif de ces événements en cas de demande à la fois de visite et de communication de documents.

En l’espèce, le Conseil d’Etat a estimé que :

« Il résulte de l’instruction que la commune a sollicité tant la communication de documents par un courrier daté du 1er juin 2023 que la visite du bien par un courrier daté du 2 juin 2023. (…) Si la société requérante soutient que la demande de visite du bien n’a pu suspendre le délai de préemption dès lors qu’elle n’a pas été notifiée dans les conditions prévues à l’article R. 213-25 du code de l’urbanisme, la commune produisant seulement l’attestation de deux agents assermentés certifiant avoir déposé cette demande le 2 juin 2023 à l’étude du notaire du propriétaire du bien préempté, cette circonstance est toutefois, en tout état de cause, dépourvue d’incidence sur la suspension du délai dès lors que la visite a eu lieu le 9 juin 2023, date à laquelle le titulaire du droit de préemption n’avait pas encore reçu les documents demandés. Le délai a donc en l’espèce recommencé de courir à compter de la réception, le 31 juillet 2023, des documents demandés par le titulaire du droit de préemption, pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 31 août 2023. La décision de préemption du 29 août 2023, remise en mains propres le lendemain, est ainsi intervenue dans ce délai. »

 Mélissa MATHIAN et Benjamin VINCENS-BOUGUEREAU