L’article 25 de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifié par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, dispose que :

« Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité.

Dans l’exercice de ses fonctions, il est tenu à l’obligation de neutralité.

Le fonctionnaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. A ce titre, il s’abstient notamment de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses.

Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité.

Il appartient à tout chef de service de veiller au respect de ces principes dans les services placés sous son autorité. Tout chef de service peut préciser, après avis des représentants du personnel, les principes déontologiques applicables aux agents placés sous son autorité, en les adaptant aux missions du service. »

Il est ainsi clairement proscrit aux agents publics au sens large (titulaires, non titulaires, de droit privé mais exerçant une mission de service public), dans le cadre du service public et quelle que soit la nature de leurs fonctions, de manifester leurs croyances et leur appartenance religieuses.

C’est ce qui a pu être clairement précisé dans la circulaire du Ministre de la Fonction Publique du 15 mars 2017 relative au respect du principe de laïcité dans la fonction publique – NOR : RDFF1708728C

Ainsi, à la question de savoir si agent public peut porter un signe visible d’appartenance religieuse (croix, voile, kippa, turban, etc.) dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, le Ministre de la Fonction Publique pose sans ambiguïté le principe selon lequel, sur son lieu de travail, un agent public est strictement soumis à l’obligation de neutralité du service public et il ne peut dans ce cadre pas manifester son appartenance religieuse par le port d’un signe religieux, étant précisé que cette interdiction vaut quelles que soient les fonctions exercées, au contact ou non du public, pendant le temps de travail et sur le lieu de travail.

C’est en ce sens également que, dans un avis, le Conseil d’Etat (CE, avis, 3 mai 2000, n° 217017) avait initialement pu rappeler que :

 « 1°) Il résulte des textes constitutionnels et législatifs que le principe de liberté de conscience ainsi que celui de la laïcité de l’Etat et de neutralité des services publics s’appliquent à l’ensemble de ceux-ci ;

2°) Si les agents du service de l’enseignement public bénéficient comme tous les autres agents publics de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l’accès aux fonctions comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur leur religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu’ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses ;

Il n’y a pas lieu d’établir une distinction entre les agents de ce service public selon qu’ils sont ou non chargés de fonctions d’enseignement ;

3°) Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le fait pour un agent du service de l’enseignement public de manifester dans l’exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations ;

 Les suites à donner à ce manquement, notamment sur le plan disciplinaire, doivent être appréciées par l’administration sous le contrôle du juge, compte tenu de la nature et du degré de caractère ostentatoire de ce signe, comme des autres circonstances dans lesquelles le manquement est constaté ;

 Il avait également pu être jugé (CAA Versailles, 23 février 2006, n°04VE0322), avant la modification de la rédaction de l’article 25 de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 susvisé, que le port d’un voile était un manquement aux obligations professionnelles et donc une faute pouvant aller jusqu’à justifier un licenciement :

« Considérant, dès lors, que le fait, pour un agent public, quelles que soient ses fonctions, de manifester dans l’exercice de ces dernières ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue, contrairement à ce que soutient Mme X , un manquement à ses obligations professionnelles et donc une faute ;

 Considérant, en deuxième lieu, que pour apprécier la gravité de la faute commise par la requérante il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce et, entre autres, de la nature et du degré du caractère ostentatoire de la manifestation de ses croyances religieuses dans l’exercice de ses fonctions ainsi que de la nature des fonctions qui lui étaient confiées ;

 Considérant que Mme X ne conteste pas avoir commencé à porter, à l’été 2000, au retour de son congé parental, un voile couvrant entièrement sa chevelure destiné à marquer manifestement son appartenance à une religion (…) »

 
Au sens de cette jurisprudence et de ce que rappelle la circulaire ministérielle, la sanction prononcée en cas de poursuite disciplinaire doit être proportionnée à la faute et tenir compte des circonstances de l’espèce telles que la nature des fonctions exercées, la réitération du manquement malgré des rappels à la règle, le degré d’ostentation du signe d’appartenance religieuse, le port de ce signe au contact ou non du public, la vulnérabilité du public, etc.

De manière très opérationnelle, il convient pour l’autorité territoriale de veiller à une gradation de la réaction :

  • en premier lieu, adresser une mise en demeure de faire cesser la pratique du port d’un signe religieux,
  • en second lieu et à défaut de réaction positive à la mise en demeure, une procédure disciplinaire en vue d’une sanction intermédiaire à adapter en fonction de la situation particulière de l’agent
  • en troisième lieu, en cas de persévérance du manquement, une procédure disciplinaire en vue d’une sanction lourde (révocation notamment).

 

Jocelyn AUBERT

Avocat Associé

ATV AVOCATS ASSOCIES