Ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19
Conditions d’application des règles dérogatoires
L’article 1er de l’Ordonnance prévoit deux conditions d’application à ces mesures d’essence provisoires liés à la crise sanitaire actuelle et qui n’ont pas vocation à perdurer :
- Ces mesures concernent tous les contrats publics (prévus ou non par le Code de la Commande Publique), conclus ou en cours, sur la période allant du 12 mars 2020 à une échéance de deux mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire décidée par la Loi du 23 mars 2020, soit jusqu’au 23 juillet 2020.
- Ces mesures ne sont pas applicables automatiquement mais « dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face dans la passation et l’exécution de ces contrats de la propagation et l’épidémie de COVID 19 et des mesures prises pour limiter cette propagation »
Il y a toutefois lieu de considérer que cette échéance est susceptible d’évoluer en fonction de la date réelle de fin de l’état d’urgence sanitaire.
- Un assouplissement des règles de passation pour les procédures en cours
Pour les procédures en cours à la date du 12 mars 2020, les acheteurs publics peuvent :
- Prolonger les délais de réception des candidatures et des offres pour une durée suffisante.
- Aménager dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats, les règles fixées par les documents de la consultation qui ne peuvent être respectées eu égard à la situation d’état d’urgence sanitaire, ce qui suppose une information préalable et suffisamment large des candidats déclarés et/ou potentiels.
Le texte ne prévoit pas de règles spécifiques pour les nouvelles procédures engagées à compter du 12 mars 2020 et de la Loi du 23 mars 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire, la DAJ engageant toutefois les acheteurs publics à faire usage des possibilités déjà offertes par le code de la commande publique et permettant :
- d’appliquer des délais réduits de publicité en cas de besoin urgent (R. 2161-8 du CCP)
- de mettre en œuvre une procédure sans publicité ni mise en concurrence en cas d’urgence impérieuse (R. 2122-1 du CCP)
- Prolongation des délais d’exécution et suspension de l’application des pénalités
Les contrats publics arrivant à échéance pendant la période d’état d’urgence sanitaire peuvent voir leur durée d’exécution prolongée par avenant au-delà du 23 juillet 2020, lorsque l’organisation d’une procédure de mise en concurrence est impossible.
Cette règle s’applique à l’ensemble des contrats publics soumis à des obligations de publicité et de mise en concurrence (et non uniquement aux marchés et concessions visés par le Code de la Commande Publique), mais le texte prévoit des règles spécifiques :
- Pour les accords cadre : la durée d’exécution peut dépasser la durée maximale de 4 ans prévue par le Code ;
- Pour les contrats de concession : la prolongation peut excéder la période maximale de 20 ans;
- Modification du régime des avances
Un avenant pourra permettre d’aller au-delà du seuil réglementaire de 60% du montant initial du marché ou du bon de commande, et ce sans que cela implique pour le titulaire une obligation de constituer une garantie au profit de l’acheteur public.
- Suspension de l’exécution, conséquences financières et contrats de substitution
En cas de difficultés rencontrées par un prestataire à l’occasion de l’exécution d’un contrat public rendant impossible le respect des délais contractuels, et sauf stipulations du contrat plus favorables au prestataire, le délai d’exécution du contrat est prolongé sur demande du prestataire par avenant au moins jusqu’au 23 juillet 2020 (fin de l’état d’urgence sanitaire augmenté de deux mois).
En cas d’impossibilité pour le titulaire du contrat d’exécuter les prestations, l’acheteur public :
- Peut conclure un marché de substitution avec une entreprise tierce pour les prestations urgentes, sans engager sa responsabilité vis-à-vis du titulaire. Ce contrat n’est pas conclu aux frais et risques du titulaire
- Ne peut pas sanctionner le titulaire ou engager sa responsabilité contractuelle
- Ne peut pas appliquer de pénalités de retard
Si l’acheteur public est contraint de résilier un marché, d’annuler un bon de commande, le titulaire a droit à une indemnisation à hauteur des dépenses engagées.
Si l’acheteur public est contraint de suspendre l’exécution d’un marché à prix forfaitaire, il doit régler sans délai les mesures les sommes dues au titre du contrat, sous réserve de l’intervention d’un avenant venant régulariser les sommes dues à chacune des parties à la fin de la suspension du contrat.
Ces différents points, dont les modalités d’application ne sont pas clairement établies, seront probablement source d’interprétation en cas de litige, à l’occasion de l’établissement des décomptes ou en cas de survenance de désordres ouvrant droit à l’engagement des garanties des constructeurs.
- Des dispositions pour les contrats de concession
Le texte prévoit des aménagements particuliers pour les contrats de concession et notamment :
- En cas de suspension de l’exécution du contrat : la suspension de plein droit de toutes les sommes dues au concédant et le cas échéant le versement d’avances par le concédant sur les sommes contractuellement dues
- En l’absence de suspension : le versement d’indemnités au concessionnaire qui subit des contraintes d’exploitation supplémentaires et doit mettre en œuvre des moyens supplémentaires représentant une charge manifestement excessive
Eu égard à la complexité inhérente au mode de rémunération des concessionnaires, lequel suppose une exploitation aux frais et risques, la mise en œuvre de ces deux dispositions va également être source de débats.
A l’inverse des marchés et autres contrats publics, il n’est pas prévu que la situation actuelle puisse justifier une résiliation anticipée.
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