Depuis quelques années, un important contentieux s’est développé sur les taux fixés par les collectivités compétentes pour la collecte des ordures ménagères, soit le plus souvent les intercommunalités, pour la Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères.
Alors que les recettes issues de cette taxe ne sont réputées, en application de l’article 1520 du CGI, couvrir que les dépenses liées au service de collecte et de traitement des ordures ménagères non couvertes par d’autres recettes également perçues par la Collectivité et n’ayant pas une nature fiscale, certaines collectivités font face à de nombreux recours émanant de particuliers comme de personnes morales considérant les montants de TEOM perçus comme étant disproportionnés.
Ainsi, le taux de cette taxe ne doit pas être manifestement disproportionné, son produit n’ayant pas vocation à abonder le budget général et couvrir des dépenses non affectées à la collecte et au traitement des ordures ménagères à peine d’irrégularité de la délibération fixant le taux, comme l’a encore très récemment rappelé le Conseil d’Etat (CE 24 octobre 2018, req n°413895).
Or en pareille hypothèse, et lorsque le juge administratif n’est pas en mesure de se fonder sur une délibération antérieure à celle fondant l’imposition en litige (que la délibération antérieure à celle fixant un taux illégal soit elle-même irrégulière ou ayant fait l’objet d’une annulation juridictionnelle), il accorde la décharge pure et simple des sommes acquittées au titre de la TEOM par le contribuable (Tribunal Administratif de Lyon, 4 décembre 2017, req n°1509700, 1604103 ; Tribunal Administratif de Lyon, 14 novembre 2018, req n°1702610).
Ainsi, et hors hypothèse d’un recours en excès de pouvoir dirigé contre la délibération fixant le montant de TEOM, le contribuable souhaitant obtenir une décharge des sommes acquittées au titre de la TEOM doit nécessairement adresser une réclamation préalable au Centre des Finances Publiques indiqué sur l’avis d’imposition, et ce avant le 31 décembre de l’année suivant celle de la date d’envoi de de l’avis.
L’administration fiscale dispose alors d’un délai de six mois pour répondre à la demande de restitution formulée par le contribuable. En l’absence de réponse passé ce délai ou à compter de la réception d’une décision de refus, une saisine du Tribunal Administratif s’imposera alors dans un délai de deux mois.
Cette contestation a pris au sein de la Métropole de Lyon des allures de véritable fronde fiscale, à l’initiative notamment de particuliers, d’entreprises disposant d’un important foncier mais surtout de la CANOL qui a fait annuler ou déclarer illégales les délibérations du Grand Lyon fixant le montant de la TEOM depuis 2010, ouvrant ainsi la voie à la contestation par les contribuables métropolitains de leurs avis d’imposition portant sur la TEOM.
Les Collectivités compétentes en matière de fixation des taux de TEOM doivent ainsi méditer le cas de la Métropole de Lyon et être particulièrement vigilantes, au moment de déterminer les taux applicables : le juge administratif adopte en effet une approche particulièrement stricte des dépenses liées au service, n’admettant de prendre en compte que « les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle qu’elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe » (Conseil d’Etat 28 février 2019, req n°420322).
Au final, toute fixation de taux aboutissant à percevoir un produit de taxe supérieur de 10 % aux frais de fonctionnement du service présente un risque très sérieux d’annulation par le juge administratif en cas de recours ou de conduire à la décharge des impositions perçues en cas de recours directement formulé contre l’avis d’imposition.
Dans un contexte d’une multiplication des recours en la matière, il conviendrait que les Collectivités compétentes procèdent à l’occasion des débats budgétaires actuels à un audit précis de leurs dépenses de fonctionnement en matière de collecte et de traitement des ordures ménagères afin d’éviter d’éventuelles actions contentieuses susceptibles, à terme, d’impacter les ressources locales.
En effet, si les sommes réglées individuellement par chaque contribuable en matière de TEOM ne sont pas nécessairement, en moyenne, d’un montant suffisamment déterminant pour motiver une action (encore que…) tel n’est pas le cas des autres redevables de la TEOM, et ce essentiellement des entreprises ou des entités telles que les Offices Publics de l’Habitat qui sont des propriétaires fonciers importants et paient à ce titre des montants conséquents de TEOM.
Sébastien THOINET
Avocat Associé